samedi 17 mars 2012

Difficile de vivre avec un ado en crise


Texte de Nathalie Martinez

On a beau savoir que la crise d'adolescence fait partie de la croissance normale de l'enfant, cela ne change rien aux sentiments que ressent la plupart des parents face à un adolescent qui n'en fait qu'à sa tête.

Le sentiment de solitude
Autant il est facile d'aider les autres, autant il est difficile de demander de l'aide. La politesse veut qu'on dise "Comment ça va ?", elle impose qu'on réponde "Très bien, merci !". Pas vraiment de place pour s'épancher sur tout ce qui n'est pas dit et qui ne fonctionne pas. Sujet tabou.

Ce qu'on vit avec nos adolescents est tellement inattendu (des aboiements, des revendications qui semblent sorties de la bouche de quelqu'un d'autre, des comportements d'isolement, de rejet...) que dans un premier temps c'est un peu comme si on était anesthésié. On ne comprend rien. On ne sait pas quoi faire. C'est un peu comme être dans une machine à laver et attendre que cela s'arrête. On perd pied. On se sent seul face à une situation qui nous échappe.

Le sentiment d'injustice
La plupart des parents font vraiment de leur mieux pour que leurs enfants trouvent leur place sans trop de souffrance. Ils donnent de leur temps (celui qui est disponible), de l'affection (au mieux de ce qu'ils ont reçu eux-mêmes), les moyens d'évoluer dans une société de consommation qui a accaparé le pouvoir (argent, vacances, loisirs...)... Ils font avec leurs croyances même si parfois ils se trompent (autoritaire, permissif, ouvert sur le monde, fermé sur la communauté...). Il n 'y a pas de recettes. Les parents avancent à tâtons selon un processus d'essais/erreurs. Pourquoi moi ? Pourquoi ai-je tant de difficulté avec cet adolescent moi qui ai tout fait pour lui faciliter l'existence ? La réponse est peut-être dans la question. Il veut montrer ce dont il est capable...

Le sentiment de culpabilité
Combien de fois l'avez-vous vu ce regard de la voisine, de l'enseignant, du CPE, du délégué du procureur ou je ne sais qui encore qui vous fait  comprendre que vous avez raté votre éducation, que vous êtes une mauvaise élève, que vous n'avez pas su. Soudainement vous devenez la "mauvaise élève" qu'on montre du doigt et vous finissez par vous aussi douter de la valeur de ce que vous avez fait : c'est ma faute si mon fils fume, si ma fille ne fait plus rien à l'école, si il ou elle n'est pas cet enfant dans les normes qu'appellent de tous ses vœux la société. C'est ma très grande faute. Non !


Le sentiment d'impuissance
Quand la pression est suffisamment montée, qu'on vous a culpabilisé et que vous avez perdu confiance, il vous reste encore le psy pour le meilleur ou pour le pire. Au moins on ne pourra pas dire que vous n'avez rien fait. Vous viendrez sagement raconter votre vie à quelqu'un qui n'a pas d'enfants. Il bâtira des hypothèses qu'il/elle n'aura pas forcément l'honnêteté de considérer comme telles. Cela deviendra LA vérité. On vous dira successivement que vous avez trop fait ou pas assez, que votre arrière grand-père était ceci ce qui explique que votre fils n'aime pas les épinards. Vous aurez peut-être la chance de tomber sur quelqu'un d'exceptionnel et alors ce sera merveilleux.



La peur
En attendant le temps passe, l'enfer s'installe à la maison entre claquage de portes, piercing, tatouage, yeux brumeux, chambre façon champ de bataille pour que vous compreniez bien que vous entrez dans une zone dont vous êtes désormais exclus. Oui, vous n'êtes plus chez vous, on vous tolère. Parents, vous êtes les seuls à voir des problèmes là où l'adolescent n'en voit aucun. Vous avez peur qu'il fasse des bêtises, qu'il compromette sa scolarité, qu'il fréquente les mauvaises personnes, qu'elle tombe enceinte, qu'il se drogue... Il/elle ne veut pas de votre aide puisque qu'il/elle fait tout ça précisément pour prendre de la distance avec vous, s'émanciper. Alors, pourquoi fait-il/elle tout pour qu'on vienne vous demander des comptes ?



La confiance
Si la tentation de sombrer dans la déprime voire la dépression apparaît comme une solution, elle n'en est absolument pas une. Face à un adolescent, il ne reste que la confiance, celle qu'on met en ce que nous avons semé en tant que parents, celle qu'on garde envers et contre tout en cet adolescent qui se débat avec sa vie et auquel nous souhaitons un avenir radieux. 


Le recul
Et puis, il y a nous, les parents. Nous devons continuer notre vie d'homme, de femme, de parents, de couple, de famille (les autres enfants ont droit aussi à notre attention). Nous devons préserver notre énergie pour travailler et faire face à tous nos combats. Alors, il faut accepter de prendre du recul, de se dire que chacun construit sa vie avec ce qu'il a, comme il peut. Nous n'avons pas le pouvoir de faire le bonheur des autres quand bien même il s'agit de nos enfants. Nous ne pouvons rien empêcher, au mieux nous pouvons être là, disponibles et continuer à les aimer.







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